Attention : je ne m'attribue aucun mérite particulier dans la rédaction de ces articles. Je ne suis pas historien, et je ne suis jamais allé à Okinawa. Ces articles sont simplement le fruit de plusieurs années de lecture de différents ouvrages, que je souhaite partager avec le plus grand nombre. Si vous constatez des erreurs, ou si vous pensez qu'un complément serait important, je vous invite à me contacter pour me faire part de ces modifications.
Je vous souhaite bonne lecture !

Les différents types de Bunkaïs

Bunkaï signifie "analyse" (pour simplifier). Dans le contexte des Katas, il s'agit de donc d'analyser une séquence pour en comprendre le sens. Cette recherche peut avoir deux objectifs : la self-défense ou le travail d'assimilation. Il est important pour le pratiquant de bien différentier les deux. Dans le travail d'assimilation, on restera dans un contexte purement Karaté, et les Bunkaïs trouvés alors ne seront pas applicables en défense. A l'inverse dans le travail de self-defense, on pourra s'éloigner du Karate strict pour pouvoir trouver un Bunkaï le plus réaliste possible.

En assimilation, l'objectif sera simplement de trouver un sens aux différentes séquences telles quelles (ou presque). Il n'est pas question de changer les mouvements du Kata. Au mieux on peut simplement modifier les déplacements. Par exemple, si dans le Kata on effectue Gedan Baraï + Oï zuki, on se défendra sur un Mae geri avec une contre attaque en Tsuki. On pourra choisir d'avancer (ce qui oblige Tori à reculer !), ou de rester sur place (avec une esquive par exemple). Ce type d'analyse et d'application ne sert qu'a assimiler le Kata. On ne pourra jamais effectuer cela en défense, et il serait dangereux de la croire.
En self-défense, on s'éloignera du contexte Karaté. Par exemple, on ne va pas considérer que Tori nous attaque avec un Oï zuki ou un Mae geri, car ce sont des méthodes d'agression fantaisistes. Un agresseur aura plus de chances de vous saisir les poignets, de vous encercler les bras ou de vous mettre un coup de tête que d'appliquer des techniques Karaté pour vous agresser. Il faudra donc s'écarter du Karaté du côté de Tori. Pour Uke aussi, les choses changent. Le Kata ne doit plus être appliqué à la lettre, mais on doit plutot en analyser les trajectoires. Par exemple, un tsuki ne sera pas forcément une technique de frappe. Si l'on analyse le mouvement, il s'agit d'amener son bras vers l'avant, en tirant son bras opposé vers l'arrière (Hikité). Cette torsion peut alors être appliquée de différentes manières. Par exemple, on peut considérer qu'il s'agit d'une saisie de la tête de Tori sur laquelle on applique une torsion de nuque. C'est une technique léthale donc particulièrement efficace et qui contribue à notre défense. Ceci n'est qu'un exemple, il n'est là que pour illustrer que l'analyse des Kata en self-défense s'éloigne du Karaté moderne enseigné aujourd'hui dans les Dojos.

Attention

Dans les analyses self-défense on peut trouver des défenses léthales. Il convient de garder à l'esprit que la loi encadre très précisément la légitime défense. Elle dicte notamment un principe de réponse proportionnée à l'agression. Si un agresseur vous pousse dans la rue ou vous met une simple gifle, lui casser le bras n'est pas proportionné, et vous risquez d'avoir des ennuis judiciaires. Les Katas nous donnent des réponses graduées, il faut donc les utiliser en parfait contrôle (ce que n'est pas facile en situation de stress !). Ce type de travail en self-défense doit donc toujours être accompagné d'avertissements et de pédagogie.

Que l'analyse soit pour l'assimilation ou la self-défense, elle permet de mieux comprendre et de mieux exécuter ses Katas. Les Katas sont souvent considérés dans le quotidien des Dojos comme un vestige du passé, et leur pratique est souvent reléguée à une simple exécution en fin de séance. C'est bien dommage, car ce sont en réalité de petits bijoux contenant l'essence même du Karaté sous ses différentes formes.

Enfin je terminerai par un parallèle entre Kata et poésie fourni par Areski Ouzrout. Le Kata est comme une poésie. On peut l'apprendre par coeur. On peut en chercher le sens des différentes phrases qui le compose, et chacun peut avoir sa propre interprétation. Cela ne veut pas dire que certaines sont justes et d'autres sont fausses, car tout dépend du sens que l'on souhaite lui donner.