Je vous souhaite bonne lecture !
Les modifications modernes du Karaté
Le Karaté est issu du ToDe d'Okinawa, et était certainement très différent du Karaté que l'on connait aujourd'hui. Certaines techniques, certains détails ont été perdus quand le Karaté s'est exporté hors de l'ile, et quand il a été enseigné dans le milieu scolaire d'Okinawa.
Il est très probable que le Karaté ancestral n'était pas un simple art martial pieds-poings. A l'époque de son exportation dans le monde, il entrait en concurrence avec deux autres arts martiaux : le judo et l'aïkido. Le judo était alors assimilé au travail des projections, et l'aïkido au travail des clés articulaires (d'un point de vue extérieur). Le Karaté devait trouver sa place auprès de ces disciplines, et a donc été assimilé à un art martial orienté pieds-poings.
Dès lors, tout l'héritage du ToDe sur les projections et les clés articulaire fut peu à peu oublié. Les pratiquants d'aujourd'hui faisant les maîtres de demain, il s'est ancré dans cette idée.
Cependant, plusieurs indices nous ammènent à découvrir cet héritage.
Tout d'abord le livre Karate-do kyohan de Gichin Funakoshi décrit assez précisément 9 techniques de projection. Il y a fort à parier que ce n'est pas Maître Funakoshi lui même qui a inventé ces 9 techniques, mais qu'elles lui ont été enseignées (au moins en partie) par les maîtres du ToDe.
Ensuite, les Katas sont un vestige du ToDe. Ils avaient vocation à demeurer inchangés dans le temps. Même si ce ne fut pas tout à fait le cas, on peut trouver dans les Katas de nombreux gestes se rapportant à des projections ou à des clés articulaires. Pour ne prendre qu'un exemple, dès le Kata Heïan Shodan, on trouve 3 Age uke de suite, qui sont notamment expliqués comme une possible clé articulaire sur le bras de l'adversaire. J'ai toujours trouvé cela étrange que dès le premier Kata enseigné, on parle de clés articulaires, alors qu'il n'en est jamais question dans le reste des entraînements.
Enfin, si l'on se place dans le contexte historique du ToDe, ces techniques devaient permettre au pratiquant de protéger sa vie en étant le plus efficace possible. Même s'il ne faut pas sous-estimer la puissance des attaques pieds-poings (notamment en visant des points vitaux), je pense que les projections et les clés articulaires sont de meilleures alternatives pour mettre un agresseur hors d'état. En tout cas, il est vraisemblable qu'integrer cela à sa pratique est surement plsu efficace que d'imaginer battre un agresseur aux simples pieds-poings.
Un autres point important qui fut perdu, est le travail des frappes sur les points vitaux. Dans la tradition orientale, le corps est traversé de méridiens dont la fonction est précise. Ces méridiens sont parcourus de points spécifiques, que l'on appelle points vitaux. Certains de ces points vitaux sont très sensibles et les frapper d'une certaine manière et dans un certain ordre peut provoquer une perte de connaissance de celui qui reçoit ces frappes. La connaissance de ces points est alors d'une précieuse aide pour se défaire d'une aggresion.
De nouveau, les Katas contiennent les vestiges de cela. Les mouvements qu'il contiennent indiquent à qui sait le voir, où et comment frapper les différents points vitaux. Là encore, le livre Karate-do Kyohan contient une liste des points vitaux les plus notables avec l'effet attendu d'une frappe à leur endroit.
On trouve également d'autres vestiges du travail sur les points vitaux dans les différentes techniques de frappe connues en Karaté. Par exemple Ippon-ken consiste à effectuer un tate-tsuki classique, mais en avançant l'articulation de la première phalange et en la refonrçant avec le pouce. L'existance d'une telle technique n'a aucun sens sans la notion de points vitaux. En effet cette frappe permet de cibler plus précisément un point, qu'une frappe Seïken classique. Nakada-ken, Ippon-nukite, Nihon-nukite et Iraken en sont d'autres vestiges.
Enfin, le renforcement du corps semblait être une part essentielle du travail. Certains styles actuels ont conservé ce travail comme le Goju-ryu ou l'Uechi-ryu. Ce travail consiste à frapper avec différents points de son corps sur des cibles inertes et adaptées. Le makiwara, un poteau de frappe constitué d'une planche en bois plantée verticalement dans le sol, coiffée de paille de riz et entouré d'une corde, est un outil traditionnel pour cela. Maître Funakoshi rapporte dans un de ses livres qu'a moins de 100 frappes par main et par jour, il n'y a pas de Karaté.
Le but de ces frappes répétées est d'endurcir le corps et l'esprit pour permettre des frappes sans retenue s'il le fallait. Le corps, habitué à la douleur générée par les frappes, est libéré de cette apréhention. Traditionnellement, toutes les parties du corps peuvent être renforcées : toutes les sections de la main (phalanges, kentos, les deux tranches, le poignet, le dos, la paume...), mais aussi les avants-bras, et les orteils.
Pour aller plus loin sur le sujet, je vous conseille la lecture des ouvrages suivants :
Karate-do Kyohan de Gichin Funakoshi (de toute façon c'est un livre plein d'enseignements pour tout Karateka)
Bunkaï d'Areski Ouzrout (un livre d'une grande qualité et revenant brillament sur ce contexte historique)